Sur la place de mon village
Bonhomme Hiver vient d’arriver
Tout dort. De son lointain rivage
Il rapporte plus d’un secret.
Comme il veut faire une surprise
Du ciel, il tire les rideaux
Et, sur les maisons et l’église,
Des flocons tombent aussitôt.
Alors, il sort de sa valise
Des joujoux du plus vil éclat:
Pour la rigole, afin qu’on glisse,
Voilà du solide verglas.
La fontaine sera plus belle
Si les glaçons font des bougies
Et l’eau qui, là, toujours ruisselle
Pourra bien faire l’endormie.
Mieux qu’Alençon ou que Malines
Son givre fera des guipures
Et chaque vitre, des matines
Aura la plus belle parure.
Et puis voici des ribambelles
Faîtes d’aiguilles, de cristaux;
Elles projettent des étincelles !
Ne sont-elles pas de beaux cadeaux ?
Chaque ramure aura la sienne
Et les étoiles étonnées
Diront : « voyons, qu’elles reviennent,
Comment diable elles sont tombées ? »
Tout le travail semble achevé ;
Chaque maison a sa capuche,
Un tapis cache le pavé ;
Couvert d’une épaisse peluche
Le vieux coq ne peut plus tourner.
Bonhomme Hiver prend sa valise
Elle est vide, vous devinez,
Sur la pointe des pieds il glisse,
Il a un bon air satisfait.
Faisant le geste de bénir
Cet ensemble du plus bel effet
Il dit : »Matin, tu peux venir »
Janvier 68