Le PRADET

Le Pradet

C’est une ferme modeste, sans aucun doute

Blottie dans les vallons, éloignée des grandes routes

J’y fis mes premiers pas, ensuite chaque année

Je venais y passer deux ou trois mois l’été,

O souvenirs joyeux ! Pour moi rien ne pouvait

Surpassait le Pradet. Tout y était parfait,

Beaux, merveilleux et le sable de ses rigoles

Avait plus de valeur que celui du Pactole.

Comme je m’y plaisais ! Tout m’y était permis

Car si on disait « non » à quelque fantaisie

Je pleurnichais un peu sachant bien, par mes larmes,

Arriver à toucher toujours quelque bonne âme.

Au milieu de l’enclos, le puits était le lieu

Rêvé, préféré à tout autre, pour mes jeux.

Point de joujoux coûteux ne m’étaient nécessaires,

Des couvercles de boîtes faisaient bien l’affaire,

Pour légumes ? du serpolet, des chanterelles

Qu’accompagnaient fort bien des rôts de sauterelles.

Le jardin lui aussi avait bien des attraits

Avec ses pierres moussues là, sous les châtaigniers

Je savais y trouver des fraises parfumées

Des cassis oubliés à demi desséchés;

Des groseilles aussi et de l’exquise oseille

Remède souverain pour les piqûres d’abeille.

Quatre heures me réservaient bien des gâteries :

Fruits confits, caillé, miel ou autres sucreries

Et le soir : soupe à la crème, fromage blanc

Saucisson, en un mot tout ce que j’aimais tant.

 

Je travaillais parfois quand j’y trouvais du charme

J’arrosais les semis ou j’approchais les rames

Je cueillais des goulus mais le summum de la joie,

C’était de ramasser puis d’écaler les noix,

D’exhiber mes mains j’étais alors très fière

Sachant qu’à leur couleur on jugeait l’ouvrière.

Mais un jour il fallait bien songer au départ

C’était terrible. A l’étable, au hangar

A la cour, au grenier, j’allais faire mes adieux

Et une fois encore revoir les moindres lieux.

Dans ma valise je cachais des trésors :

Un peu de sable fin, des feuilles rouge et or,

Et des fougères plus belles que des dentelles !

Puis c’étaient les larmes, déchirements, appels

Et le dernier dieu… les mouchoirs s’agitaient.

Et quand à l’horizon le toit disparaissait

Je sentais en mon coeur une vraie déchirure…

Ce passé est fort loin, dans ma mémoire obscure,

En dépit des années s’il reste si vivace,

Si le Pradet en moi tient encore tant de place,

C’est que j’étais l’écho des sentiments profonds

Qu’avaient pour moi des gens affectueux et bons.

Je garde leur mémoire étant heureuse ici

De les honorer tous en leur disant merci.

Février 1968